Eglise Saint François, Lausanne
25 août - 15 octobre 2023
Exposition personnelle de Christian Gonzenbach et Gilles Furtwängler
PROGRAMME COMPLET
TENTATION(S)
Nous avons fait de la tentation une affaire de
friandises et de séduction ; de bagatelle et de plaisir
de la chair, autant dire une tentation de toc et
d’écume qui fleure le moralisme et la culpabilisation.
La tentation dans la Bible n’est pas une affaire
d’accident de parcours, d’écart de conduite,
comme on le croit ; mais le terme renvoie à une
réalité anthropologique universelle : celle qui
caractérise l’humain lorsqu’il prend conscience de
son inaccomplissement.
A moins d’être hors sol, l’humain ne peut vivre
– en effet – sans éprouver parfois
douloureusement qu’il y a de l’inachevé en lui.
Il s’y cogne régulièrement et il n’est pas étonnant
qu’il s’ingénie à vouloir échapper à ce qu’il
considère comme une malfaçon coupable, un
manque à combler.
La tentation est un état chronique de l’humain
qui ne cesse de se débattre avec cette insuffisance
qui le blesse et l’humilie.
La tentation en l’humain se repère à ses
incessantes tentatives laborieuses – conscientes
ou non – d’échapper à ses impasses, comme à ses
ombres. Georges Haldas écrivait : « La pire
tentation est de désespérer de soi. Précisément
parce qu’il y a de quoi » ; à quoi il faut ajouter
cette autre tentation, qui est celle de sauver les
apparences, de se farder pour se montrer sous
son meilleur profil et faire illusion.
Dans ces multiples stratégies pour échapper
à la tentation, l’humain a souvent pensé les
églises comme des sanctuaires où il en serait
momentanément à l’abri. Mais c’est plutôt le
contraire qui est vrai. Les églises, parce qu’elles
résonnent d’une Parole qui dit l’humain dans son
intégralité en la dédramatisant, sont des espaces
où il ne peut se dérober à son indépassable
limite; non qu’il y soit jugé, mais parce qu’il y
entend l’écho d’une bénédiction venue de loin
et qui lui répète joyeusement qu’il est accueilli et
accepté tel qu’il est, invité à se tenir debout sans
en éprouver de honte.
Bonne nouvelle de la tentation lorsqu’elle nous
conduit jusqu’à cette altérité radicale qui nous
fait hospitalité et nous délivre de cette quête
obsessionnelle de perfection et d’artifice.
C’est à cette possible rencontre que nous
convient les deux artistes invités par l’association
l’Hospitalité artistique à s’emparer du thème
de la tentation(s) à Saint-François.
Le visiteur qui franchira le seuil de la nef
franciscaine lèvera les yeux vers ces mots puissants
et magiques écrits sur les bâches aiguisées de
Gilles Furtwängler. Y reconnaîtra-t-il une affinité
avec ces mots qui ne cessent de le traverser et de
s’emparer de lui pour lui faire miroiter la sécurité et
la satisfaction d’une identité enfin sans défaut :
le pouvoir, l’argent, l’avoir ?
Au sol, le même visiteur s’interrogera devant
les statues baroques déposées par Christian
Gonzenbach, statues dédiées à des dieux
inconnus ou, hélas, trop connus. Elles semblent
inertes, mais ne vous y trompez pas, elles activent
une mémoire rétinienne qui s’accompagne d’une
lancinante question : « ne les ai-je pas déjà une
fois rencontrés, ces dieux anonymes ? » Pour s’en
convaincre, le visiteurs les contournera pour
voir ce qu’elles cachent, il les touchera et se
demandera « que nous promettent ces statues
offertes à notre dévotion ? »
Jean-François Ramelet, Pasteur de l’esprit sainf